Impôts élevés en France

Un taux d’imposition de 100 % pour 8000 ménages

PARIS

 — Leur colère a été plus discrète que celle du richissime acteur Gérard Depardieu. N’empêche : plus de 8000 ménages français fortunés ont dû se résoudre l’an dernier à payer… 100 % d’impôt sur le revenu !

Cette situation s’explique en partie par la « contribution exceptionnelle sur la fortune » adoptée l’été dernier par le gouvernement socialiste. Cette mesure, qui s’applique aux citoyens dont le patrimoine dépasse 1,3 million d’euros (1,7 million de dollars), fait partie d’un « collectif budgétaire » destiné à réduire le gigantesque déficit de la France.

« C’est un moment délicat pour la France », a résumé hier Laurent Calvet, professeur de finances à HEC Paris, en entrevue avec La Presse.

Selon le quotidien Les Échos, qui a publié la nouvelle en exclusivité, 8010 foyers français ont dû payer l’intégralité de leur revenu de référence de 2011 en impôts – parfois même davantage. En outre, 9910 ménages ont été imposés à hauteur de 85 % l’an dernier, et 11 960 autres à 75 %.

Cette nouvelle a créé une certaine commotion dans les médias sociaux. « Ça s’appelle du vol d’État, tout simplement », a commenté un internaute hier sur Twitter. « Bienvenue en URSS », a souligné un autre.

La nouvelle surtaxe sur la richesse a par ailleurs suscité une vague de mécontentement chez les Français les mieux nantis au cours des derniers mois. Gérard Depardieu, par exemple, a menacé de s’exiler en Belgique avant de se rabattre sur la Russie, plus clémente que la France sur le plan fiscal.

Question d’image

Les mesures prévues dans le « collectif budgétaire » de l’été dernier prévoyaient 7,2 milliards d’euros (9,6 milliards de dollars) en hausses d’impôts diverses. Pour le professeur Laurent Calvet, la ponction additionnelle dans les poches des plus fortunés était d’abord une question d’image pour le gouvernement de François Hollande.

« Au plan politique, c’était important pour le gouvernement de passer le message que les efforts étaient partagés », a-t-il avancé.

Il reste que l’exode des plus fortunés est bien réel – et de plus en plus documenté – en France. Outre Depardieu, plusieurs gens d’affaires, artistes et sportifs ont menacé de plier bagage ou ont carrément déjà quitté le pays.

Dominique Barjot, professeur à l’Université Paris-Sorbonne, croit que cette vague de départs ira en s’accélérant. « Je le crains et, d’ailleurs, cet exil fiscal risque de s’accompagner d’un exil des cerveaux », a-t-il fait valoir pendant un entretien.

Pas une première

Malgré l’aspect hautement surprenant de ces nouvelles statistiques, ce n’est pas la première fois que des contribuables français paient au-delà de 100 % d’impôts. Selon les données du ministère des Finances obtenues par Les Échos, 5221 foyers étaient déjà imposés au-delà de ce seuil en 2011.

La différence, explique-t-on, c’est que la « contribution exceptionnelle sur la fortune » n’a pas fait l’objet d’un plafonnement en 2012, ce qui en a fortement accru l’impact.

Cinq cas d’exil

Gérard Depardieu

Le grand acteur, connu pour ses coups de gueule, en a servi tout un à ses compatriotes. À la fin de 2012, il annonce son exil fiscal en Belgique, puis renonce peu après à son passeport français (un geste qualifié de « minable » par le premier ministre français Jean-Marc Ayrault). En janvier, à la surprise générale, Depardieu accepte finalement la citoyenneté russe et indique vouloir s’installer en Mordovie. Sa fortune personnelle est évaluée à 120 millions de dollars par le Wall Street Journal.

Cinq cas d’exil

Amélie Mauresmo

Comme plusieurs riches sportifs français, la championne de tennis a quitté la France. Et comme plusieurs autres, elle a affirmé que son installation en Suisse, au milieu des années 2000, n’était pas purement liée aux économies d’impôts. « Je ne vois pas vraiment en quoi le fait d’habiter un autre pays empêche de se sentir Français, a-t-elle déclaré au Temps en 2006. Pour ma part, résider à Genève est un choix de vie, bien au-delà des raisons fiscales. »

Cinq cas d’exil

Johnny Hallyday

Le célèbre chanteur français s’est exilé en Suisse en 2006, bien avant l’arrivée du gouvernement Hollande. Dans un livre publié au début de 2013, il admet être parti pour payer moins d’impôts, mais aussi parce qu’il trouvait l’ambiance « médiocre » en France. Selon le journal Le Matin, Hallyday aurait gagné 6,3 millions de francs suisses en 2011 (6,7 millions de dollars), mais il n’aurait payé que 700 000 francs (743 000 $) en impôts.

Cinq cas d’exil

Bernard Arnault

L’homme le plus riche de France est passé à un cheveu de quitter le pays avec ses milliards l’automne dernier. En plein débat sur la « taxe à 75 % » qui devait être imposée aux plus riches contribuables, Bernard Arnault, grand patron du groupe de luxe LVMH, a fait une demande de naturalisation en Belgique. Il a finalement retiré sa demande le mois dernier, affirmant en fin de compte que « l’effort de redressement doit être partagé ».

Cinq cas d’exil

Les grandes familles industrielles

Plusieurs héritiers des plus grands groupes français – dont les fortunes se comptent en milliards – se sont installés en Suisse et en Belgique. C’est notamment le cas de la famille Weirtheimer, détentrice de la marque Chanel, des Castel, présents dans le vin ( « Nicolas » ) et les boissons gazeuses, et de la famille Meunier, propriétaire du groupe de supermarchés Carrefour.

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